Le 5 septembre, Brigitte s’en retournait en France.
Elle avait déjà prolongé son séjour afin de m’accompagner durant la traversée Sicile/Sardaigne alors même que des raisons impératives réclamaient sa présence en France. En décidant de ramener Azadi à Soubise, je savais que je devrais faire une partie du voyage en solo.
Le 5 au soir, je suis donc tranquillement ancré dans la baie de Malfatano, au sud-ouest de la Sardaigne, avant de mettre le cap sur les Baléares.
Dès 7h00 je suis sur le pont prêt à … faire un peu de couture. En affalant la GV la veille, j’ai eu la mauvaise surprise de constater qu’une latte était partie, déchirant son gousset…. Je m’attelle donc à préparer une latte de bonne longueur avec les morceaux que j’ai en réserve, un peu de couture puis coller une bande de tissu à voile…. Et ça repart. Il faudra que ça tienne jusqu’à Soubise. Cet hiver, la GV passera par la case Incidences à La Rochelle pour une petite révision.
Je quitterai finalement cette baie à 09h00, en direction de l’ile de Majorque. Minorque est un peu plus près mais outre le fait qu’elle offre peu de mouillages, la rejoindre m’obligerait à monter plus au nord pour ensuite repiquer au sud… La côte sud-est de Majorque offre quant à elle quantités de mouillages et de ports sûrs quelque soient les conditions météo.
Les conditions météo justement s’annoncent clémentes pour au moins les trois jours à venir, ne prévoyant qu’une infime proportion de vent force 4…
Mais c’est au moteur que j’entame cette traversée. J’ai bien hissé les voiles mais je me traîne lamentablement entre 1 et 2 nœuds. Une semaine pour rallier les Baléares, non merci ! Je laisserai néanmoins la GV à poste, elle me donnera un petit nœud de bonus.
Dans la matinée, affairé dans la descente, je déconnecte par inadvertance, du coude, le pilote auto alors que nous filons à 6 nœuds… Azadi fait immédiatement deux tours sur lui-même avant que je ne récupère la situation…. Mon superbe leurre que je trainais depuis une heure n’y résistera pas, fil cisaillé par le coupe-orin. Je devrais me mettre à l’eau pour aller ôter quelques mètres de fil de pêche entortillés autour de l’arbre d’hélice. Quelques apnées et un bon couteau et je remettrai en marche me maudissant de cette bêtise. Une ligne de plus sur la « Todo List« , prévoir une protection sur la commande du pilote.
La journée s’écoulera paisiblement. Vers 14 h00 enfin, le vent s’établira force 3 d’abord pour passer progressivement force 4 ce qui permettra à Azadi de progresser entre 4 et 5 nœuds sous GV et Génois. Je noterai les points toutes les 3 heures et à 21 heures nous aurons parcouru 62 milles. Pas extraordinaire, mais on progresse tranquillement. La nuit est tombée peu après 20 heures et Azadi continue son petit bonhomme de chemin sous une voute étoilée magnifique qu’aucune lumière parasite ne perturbe. Magie d’une nuit en mer. La lune n’est pas présente et la nuit est vraiment noire. Très peu de trafic, seulement 2 cargos croisés de loin au cours des dernières heures. Je veille néanmoins à l’extérieur et sur le PC qui me signale tout navire via son AIS. Pom dort tranquillement dans le carré.
A 22h00 le vent tombera. Deux heures de moteur jusqu’à minuit où il reviendra, orienté N/W, me conduisant à prendre un cap 265 un peu trop sud pour accrocher Majorque en route directe. Selon les prévisions le vent devrait tourner au Nord dans la nuit ce qui me permettra de me recaler sur une route plus directe…. Croisons les doigts pour que les prévisions se révèlent juste parce que ma route actuelle me conduit directement à Ibiza. Et Ibiza, c’est 85 milles de plus. Quant à Alicante c’est carrément presque 200 nm de plus… Soyons raisonnables, Majorque sera très bien.
Au point de 9h00, nous aurons parcouru 133 milles. J’ai dormi une heure… En fait, vu le trafic et la vitesse d’Azadi, j’essaie de dormir par tranche de 45 minutes. Je règle le réveil mais en pratique, je ne m’endors jamais instantanément (je n’ai pas l’entrainement des marins du Vendée Globe !) et, très souvent, je somnole et me réveille avant la sonnerie, alerté par un bruit ou un mouvement du bateau. Au final, une très petite nuit. Il va falloir essayer de récupérer un peu avant la nuit suivante.
En fin de matinée, le vent forcira un peu m’obligeant à prendre un ris dans la GV et à rouler partiellement le génois. Les conditions de navigation seront fatigantes tout au long de cette seconde journée avec une mer chaotique et de jolies vagues. De plus, le soleil ne daignera pas se montrer et la pluie s’invitera même dans le paysage en début de nuit.
Au milieu de la nuit, je roulerai complétement le génois pour progresser sous GV seule, avec 1 ris. La nuit s’écoulera sans souci, sans croiser un seul bateau. Je dormirai un peu plus, toujours avec le même système (45mn maximum, allongé dans le carré). j’enchainerai ainsi plusieurs périodes entrecoupées de surveillance visuelle (cibles AIS sur le PC et tour d’horizon). Une grosse nuit donc, au moins 3 heures de sommeil.
C’est beaucoup plus cool pour moi quand Brigitte est avec moi. Je peux dormir tranquillement pendant qu’elle veille, assise dans la descente occupée à scruter l’horizon.
Afin de survivre durant ces nuits, je lis et je grignote régulièrement, en buvant des boissons chaudes, généralement un thermos de thé vert très sucré préparé en début de soirée.
Côté lecture, j’ai relu l’intégrale de Dune, du premier volume de Franck Herbert jusqu’à ceux écrits par son fils, Brian. Un univers fantastique qui m’occupera un bon bout de temps.
En début de matinée, le vent tombera et je ferai route au moteur sous un soleil revenu. Je décide également de mettre le cap sur Isla Cabrera, petite île au sud-est de Majorque. Autant progresser un peu avant la nuit et réduire d’autant l’étape suivante.
J’y arriverai à 15h00, heureux de cette belle traversée et de pouvoir me reposer. Je découvre la superbe baie d’Espalmador, bien abritée et équipée d’une cinquantaine de corps-morts. J’en prends un au fond de la baie et m’offre une sieste bien méritée.
Je suis réveillé vers 18h00 par des coups portés sur la coque. Deux marins m’interpellent. Ils seraient déjà venus mais je ne les pas entendu. Ils m’expliquent alors que l’île est une réserve naturelle (infos ici) et qu’il faut réserver son mouillage à l’avance. Ce que je n’ai pas fait et, conséquence, je ne peux pas rester. Ils sont deux, le gentil et le méchant. Le méchant ne veux rien comprendre mais le gentil comprend vite quand je lui explique que j’arrive de Sardaigne qu’il n’est pas sérieux de m’obliger à repartir et que de toutes façons, je ne bougerai pas !
Sur les 50 bouées, une vingtaine au maximum sont occupées, donc pas de souci de place ! Le « gentil » me donne l’adresse du site web pour réserver mon mouillage et l’affaire s’arrête là. Je m’inscris aussitôt pour deux nuits et, soulagé, savoure ce mouillage idyllique : Baignade, petite bière, bon repas et une bonne nuit.
Je prendrai du temps le lendemain pour monter jusqu’au château, croisant en chemin de nombreux lézards aux multiples couleurs, admirant la vue sur la baie ou sur Majorque toute proche. Je ferai bien évidemment une halte à la taverne locale, petite bière et tapas sous le soleil… Elle est pas belle la vie ?
De nombreux poissons nagent sous le bateau. Je laisse discrètement tremper un hameçon et remonte aussitôt une petite prise qui fait le bonheur de Pom’. Plus frais, c’est impossible !
Le 10 septembre, reposé, je reprends la mer – ou la mer me reprend, c’est comme vous voulez – et fais voile vers Ibiza que j’atteindrai à la nuit tombée. Je mouillerai dans la baie Cala Prada, près du port de Saint-Eulalia. Le 11, avant de continuer mon périple, je ferai une halte-gazole au port où il ne me sera pas permis de prendre un ponton, ne serait-ce qu’une heure le temps de faire un petit avitaillement. Pas grave, je jette l’ancre juste à la sortie du port, met l’annexe à l’eau et m’en vais faire quelques courses en ville.
Ceci fait, j’entame une nouvelle navigation qui me verra passer une nuit en mer avant d’atteindre Carthagène le 12 septembre en fin d’après-midi.
Une nuit de veille constante en raison du grand nombre de cargos qui longent les cotes espagnoles en direction ou venant des ports de Valence et Barcelone , comme le montre cette capture d’écran Time Zéro faite au large de Calpé. Petit moment d’émotion en passant devant Calpé puisque notre copine Marie-Anne y avait acheté une maison pour y passer sa retraite avant d’être emportée par la maladie. Je ne l’oublie pas.
En 2017, cette ville nous avait laissé un souvenir mitigé (ici). Mon séjour 2020 sera plus bref et je me contenterai d’une balade proche du port.
Je repartirai de Carthagène le 13 vers 15h00 pour une petite navigation – 6 heures – jusqu’à la baie d’Aguilas que j’atteindrai en début de nuit, mouillant grâce aux lueurs de la ville au milieu de quelques voiliers.
Au matin, nouveau passage par la case gazole. En quittant le port, ma curiosité sera attirée par un mat sortant de l’eau tout près du quai. Il s’agit bien d’un voilier coulé dont le mat émerge, auquel sont encore rattachés des lambeaux de génois.
Après ce petit détour, cap au sud jusque devant la grande plage de Montelava, au nord de la grande baie d’Alméria, où mon ancre crochera par 6 mètres de fond après 9 heures de navigation, moitié à la voile, moitié au moteur. Pour les cinéphiles, quelques scènes du film « Indiana Jones et la dernière croisade » y ont été tournées (c’était la minute culturelle !!!).
Je suis à la limite des bouées délimitant la zone de baignade et un seul voilier est ancré non loin de moi. La mer est calme et la Punta Negra que j’ai doublé en arrivant me protège de la brise qui souffle timidement du Nord.
J’ai besoin d’une bonne nuit afin d’aborder sereinement l’étape suivante. Je compte en effet rallier le port de Tarifa tout en faisant un crochet par Gibraltar pour profiter sans vergogne d’un gazole à un prix défiant toute concurrence.
La quasi totalité de cette nouvelle étape se fera au moteur. J’en ferai une partie en compagnie d’un voilier allemand, Neuland. Plusieurs groupes de dauphins viendront égayer la fin de journée pour mon plus grand plaisir.
La nuit sera encore une fois faite de micro-siestes en raison du trafic important et qui ne fera qu’augmenter au fur et à mesure de l’approche de Gibraltar. Ainsi du porte-container Maersk Arun (155 mètres quand même) qui croisera notre route à 02h45 du matin.
En arrivant sur Gibraltar, les gros cargos seront légion mais sans danger pour la navigation.
Vers 13 heures je serai dans la baie de Gibraltar et je ferai le plein de gazole, cette enclave britannique au sud de l’Espagne, une incongruité territoriale. Sans la moindre formalité d’entrée, j’achète du gasoil sans taxes (en livres sterling, quand même), avec un ticket de caisse d’une société espagnole, libellé pour partie en anglais, pour partie en espagnol…
C’est bien l’Europe de la finance !!!!!
A mon petit niveau, le gain est symbolique même s’il m’est agréable de payer le gazole 51 centimes d’euros le litre…. Mais pour les gros yachts et pour les cargos, les économies se chiffrent en dizaine de milliers d’euros, en toute légalité. Grrrrrrrrrrrrrr !!!!!
Après cette escapade, je continue mon bonhomme de chemin. En sortant de la baie, je remarque le manège de quelques pêcheurs qui se déplacent rapidement à la poursuite des bancs de thons qui font par moment, littéralement « fumer » la, mer. Impressionnant mais trop loin d’Azadi.
A 16h30, je jetterai l’ancre dans la baie ouest du port de Tarifa, à l’abri des vagues venant de l’Est qui m’ont aidées dans la dernière partie de ma navigation depuis Gibraltar. Une étape de 200 milles bouclée en 32 heures, je me rapproche de la fin de mon périple. Je ne suis pas loin de Barbate, un peu plus au nord où des « attaques » d’Orques ont été signalées courant juillet.
Aux alentours de Tarifa, la ville la plus méridionale d’Europe, à partir de mi-juillet, une petite population d’Orques stationne à l’entrée du détroit de Gibraltar, dans la zone appelée par les pêcheurs la « Bajas », au large du parc naturel de El Estrecho.
Brigitte m’a alerté sur ces incidents depuis quelques jours et ils commencent à me « prendre la tête ».
Je vous explique :
Pendant l’été, du détroit de Gibraltar au nord de la Galice, au large du Portugal et de l’Espagne, les autorités locales ont recensé des « attaques » d’orques sur des voiliers faisant route loin des côtes, sans que la cause de ces attaques répétées soit identifiée.
Le 30 août, le safran d’un Océanis 44 a été endommagé en pleine journée par un groupe d’orques mesurant entre 6 et 8 mètres.
Le même jour, plus au sud, deux collisions similaires ont été signalées. Un navire français alertait les garde-côtes pour leur signaler que des orques les avaient pris en chasse, peu de temps après qu’un yacht espagnol ait perdu une partie de son gouvernail sous l’assaut des épaulards.
Le 11 septembre 2020, un voilier de 36 pieds en convoyage a été abordé par plusieurs épaulards. Les dégâts sont concentrés sur le safran, obligeant l’équipage à relâcher à Cascais, au Portugal. L’orque aurait percuté le safran une quinzaine de fois.
Quelques jours auparavant, une attaque identique a été signalée à 70 milles au sud de Vigo.
Au cours des mois d’août et septembre, plusieurs signaux de détresse ont été envoyés après le passage en force de ces mammifères marins dont la taille oscille entre 6 et 8 mètres pour un mâle. Gouvernail endommagé, équipage marqué de bleus, coque partiellement détruite… les orques ont provoqué de nombreux dégâts physiques et matériaux.
Le comportement des orques est d’autant plus étonnant qu’elles ont pour habitude d’accompagner les bateaux et non d’avoir un comportement agressif envers eux.
En tout, depuis début juillet, pas moins de 7 incidents similaires ont été répertoriés dans cette zone très fréquentée par des navires de toutes sortes. Aucun drame humain n’est à déplorer, mais les dégâts sont sérieux. Il faut ajouter à cela le traumatisme vécu par ces équipages, face au sentiment d’impuissance ressenti dans une telle situation. La perte de l’appareil à gouverner peut avoir de graves conséquences et entrainer l’évacuation d’un voilier.
Les attaques ont toujours eu lieu de jour, sur des navires faisant route sous voiles au large des côtes
Des accidents rarissimes
D’ordinaire, les collisions entre voiliers et cétacés sont fortuites et concerne surtout les cachalots et les rorquals communs. L’orque une espèce très peu concernée par des accidents avec des voiliers. Les interactions entre les plaisanciers et les orques sont très fréquentes, mais il est rare que des accidents soient signalés.
Rapide, agile, considéré par les scientifiques comme un mammifère social et d’une intelligence supérieure, l’orque n’a pas vraiment de prédateur. Il est donc peu probable que les carènes de voiliers soient considérées comme un danger pour un groupe d’orques. Parmi les hypothèses avancées par l’Ifremer, la protection d’un petit ou la défense d’un territoire de chasse pourraient justifier ces comportements.
Les autorités maritimes espagnoles ont donc demandé aux navires de « garder leur distance » avec les orques pour éviter de nouveaux incidents. Mais la tâche semble compliquée. Pour rappel, les orques peuvent atteindre une vitesse de 24 nœuds – Azadi, c’est 6 nœuds !
Il n’y a eu qu’un signalement d’interaction orque/voilier dans cette zone cet été. Je vais quand même ouvrir grand mes deux yeux !
Après Tarifa, je pensais remonter jusqu’à Cadix et faire de la navigation côtière jusqu’à Lisbonne. Mais la météo va en décider autrement. Du très mauvais temps est annoncé pour la soirée du 17 septembre, localisé justement sur Cadix. Je pourrais certainement rallier cette dernière avant le mauvais temps, mais après ? Je lève l’ancre un peu après 08h00 direction Cadix mais, passé le cap Trafalgar, je mets le cap sur le Portugal et, idéalement, sur le port de Baleeira, dernier port avant le cap Saint Vincent.
Evidemment, je scrute l’horizon très souvent mais pas le moindre aileron menaçant. Je tracerai ma route sous GV haute et génois déployé toute la journée avant de prendre un ris pour la nuit.
En fin de nuit, le vent montera assez rapidement pour atteindre les 35 nœuds. Je serai alors seulement sous GV arisée. J’aurai même la désagréable impression de m’être fait flashé…. Un radar en pleine mer, j’y crois pas ! En fait c’est un orage qui me réveille avec son spectacle son et lumières. Moments toujours impressionnants d’autant plus que la mer est forte. Azadi est bien chahuté. J’avais un peu anticipé cette possibilité en prenant un cap qui me rapprocherait de la côte bien avant le port de Baleeira. J’arrive donc en vue de Faro dans la matinée mais l’approche en est compliquée. Il est plus simple de continuer jusqu’à Portimao qui est facile d’accès et bien protégé.
C’est ainsi que je me présenterai devant l’entrée du port de Portimao en début d’après-midi.
La mer est impressionnante qui déferle sur la côte.
L’entrée du port est bien visible, suffisamment large, et j’y pénètre poussé par la houle. Une fois passé les digues, cela se calme et je peux tranquillement chercher un endroit où mouiller.
Ce ne sera pas si simple en raison du grand nombre de voiliers au mouillage et du fort courant qui restreint le choix des « bonnes » places. Je jetterai finalement l’ancre à 13h00 devant la plage de Ferragudo avant de m’octroyer une petite sieste bien méritée.
En fin d’après midi, je prendrai l’annexe pour aller flâner dans les rues de la ville et faire quelques provisions de bouche.
Le 19 de bon matin, l’ancre, bien enfouie dans la vase, retrouve sa place sur le davier. Cap sur Sines où nous avions fait escale en 2017, dernière étape avant Lisbonne.
A 11h30, je suis par le travers du cap Sagres, point le plus au sud du Portugal.
Une petite heure après, Azadi a débordé largement le cap Saint Vincent. Pas de vent, c’est au moteur que je le passe cette année. Je me souviens qu’en 2017, nous avions 20 nœuds de vent avant ce cap et qu’ensuite cela avait bien forci, que nous avions affalé les voiles avec 40 nœuds et une mer chaotique avant de rejoindre Lagos.
Rien de cela aujourd’hui mais une journée monotone à remonter le long des falaises qui bordent la cote et à guetter les ailerons noirs des orques farceurs. J’arriverai à Sines en début de nuit, me faufilant entre les cargos au mouillage et les petits bateaux de pêche. Une longue étape de près de 90 milles avalée en moins de 14 heures…
Après une bonne nuit, je reprends mon petit bonhomme de chemin en direction de Lisbonne que j’atteindrai en fin d’après-midi.
Une belle troupe de dauphins viendra saluer mon arrivée à hauteur du phare de Buggio.
Je rallierai la marina Parque das Nacoes où Azadi m’attendra sagement pendant une semaine. La remontée du Tage devant Lisbonne est toujours aussi jolie. Covid oblige, nous ne ferons pas de visites même s’il me reste quelques pépites à découvrir dans cette ville si belle et si accueillante (quelques idées ici)
Pendant cette semaine, Pom’ et moi seront hébergés chez ma fille Soizic qui y vit et y travaille depuis maintenant plus de 3 ans.
Avant de laisser Azadi, j’ai quand même procédé à un grand nettoyage et rangement et j’en ai profité pour reboucher avec de la résine époxy les 6 anciens trous de fixation de l’échelle de bain, sur la jupe arrière. Bizarrement, lorsque j’avais installé un coffre à cet endroit pour y stocker palmes et masques, ces trous avaient été bouché avec du Sikaflex. Ce dernier, tout sec, laissait suinter de l’eau de mer, essentiellement par vent arrière et mer formée. J’ai mis un peu de temps à localiser cette entrée d’eau, certes minime mais qui imbibait de temps en temps le bout du matelas.
Semaine presque oisive puisque ma fille vient de déménager et doit rendre la précédente location qu’elle occupait avec 3 co-locataires. Elle me demande de l’aider à « boucher quelques trous et refaire des raccords de peinture… »
En fait, avec elle et ses colocs, je finirai de démonter les étagères qu’elles avaient installées un peu partout, boucherai une centaine de trous et repeindrai tout l’appartement – 100 m2 quand même – de façon à le restituer dans l’état initial.
Une douzaine d’heures de boulot et moins d’une centaine d’euros de matériel lui permettra de rendre l’appartement dans un très bon état et de récupérer l’intégralité de sa caution, ce qui était quand même le but du jeu, même si je ne peux cacher ma joie d’exécuter ces menus bricolages.
C’est une habitude chez Soizic puisque en août 2017, sur le chemin de la Grèce, je m’étais arrêté à Barcelone où elle résidait alors, juste le week-end qui précédait son déménagement pour Lisbonne. Et là aussi, j’avais été réquisitionné pour aider, un peu en catastrophe, à remettre en état l’appartement qu’elle occupait avec deux co-locataires, dont Lola qui est encore de la partie à Lisbonne.
Une très bonne semaine donc, partagée avec Soizic et André, tous deux en télétravail pour cause de Covid.
Quelques balades, quelques achats et une séance de karting occuperont cette semaine. Deux restaurants également, partagés avec Françoise et Sylvie, mère et tante de Soizic, installées elles aussi à Lisbonne ainsi qu’avec Tiphaine, sa cousine, de passage à Lisbonne pour le week-end et que je n’avais pas vu depuis …. très longtemps.
Dans l’appartement, Pom’ ne profitait pas vraiment de cette pause maritime puisque outre les deux chats de Soizic, Saphir et Quartz, elle devait aussi supporter son chien, Pablo, qui avait très envie de jouer avec elle. Lucho, le « petit » dernier n’était pas encore arrivé dans la famille.
Le 27, en début d’après-midi, nous réintégrerons le bord et reprendrons nos habitudes nautiques. J’irai prendre un mouillage pour la nuit à Seixal, sur la rive Sud du Tage, ou plutôt sur la rive sud de la Mer de Paille.
En effet, avant de se jeter dans l’océan Atlantique, le Tage, plus long fleuve de la péninsule ibérique avec 1009 kilomètres – Depuis sa source située dans la Sierra de Albarracin en Espagne, il traverse la péninsule d’est en ouest, passant par Tolède, au sud de Madrid – forme un immense estuaire, appelé la Mer de Paille. Aussi, contrairement à ce que beaucoup de touristes pensent, Lisbonne ne se trouve pas au bord de l’océan !
Ce golfe intérieur constitue un excellent port naturel, protégé des tempêtes, idéalement situé au confluent des routes de navigation qui relient l’océan Atlantique Nord et la Méditerranée. En outre, jusqu’au milieu du XXème siècle, le Tage était la principale voie de communication et de commerce entre Lisbonne et les plaines fertiles de l’intérieur du pays, faisant de cette capitale une cité florissante, centre de l’empire portugais à la grande époque des Découvertes.
Le loch refuse tout service. Il faut dire qu’à marée basse, Azadi était vautré dans la boue. Bien que la température de l’eau ne soit plus aux standards grecs, je me mettrai à l’eau, attaché à un bout en raison du fort courant, afin de nettoyer la roulette en question. Je ne m’éterniserai pas d’autant plus que la visibilité était réduite à une trentaine de centimètres ! Bref, une belle plongée.
Le 28 septembre, reprise de notre convoyage vers Soubise. Il faut se remettre dans le bain après une semaine de terrien. Journée calme mais monotone, quasiment sans vent. Parti à 08h30, je jetterai l’ancre à 19h45 dans le port de Péniche avec 75 milles de couvert. Octobre est là et il me reste le golfe de Gascogne à traverser. L’heure n’est pas vraiment au tourisme. Pas vu d’orques aujourd’hui… mais la menace est toujours présente puisque depuis le 22 septembre, les autorités espagnoles ont établi une zone d’exclusion pour les navires de moins de 15 mètres entre l’Estaca de Bares et le cap Priorino (Ferrol), et ceci sur une bande de 11 milles de large.
Cette zone exclue quasiment La Corogne où je pensais faire escale, à l’origine pour 1 semaine, cette interdiction a d’abord été prolongée d’une seconde semaine puis étendue le 30 septembre jusqu’à la pointe Fisterra…
Après une bonne nuit, à peine perturbée par les passages des bateaux de pêche, je repars dès le lever du jour afin de rejoindre Figueira da Foz où je m’amarre pour une nuit à 18h00. Encore 65 milles d’avalés dans la journée…Au moteur faute de vent. C’est un peu le problème avec la voile. Soit il y a trop de vent , soit il n’y en a pas assez . Et quand par bonheur, il souffle à la bonne force, ce n’est pas de la bonne direction… La plaisance, c’est le pied ! Et je n’ai guère le temps de flemmarder à 1,2 noeuds ou de tirer des bords sans fins.
Pom’ profitera de l’escale pour se dégourdir les pattes. Je peux la suivre avec son collier GPS et je ne me lasse pas de son air surpris quand je vais la récupérer sur un autre bateau où au bout d’un ponton… La précision est remarquable et je n’ai plus de mal à la situer, ce qui me permet de lui laisser un peu de liberté dans les ports les plus calmes. Je peux même allumer une petite lumière rouge sur le collier. Elle n’a aucune chance de m’échapper, ce qui n’est pas dans ses intentions même s’il lui arrive de temps à autres de ne pas être très pressée de revenir à bord
Le 30 septembre, je rallie la baie de San Jacinto. Petite journée avec 40 milles au compteur durant laquelle je repère (enfin) une seconde entrée d’eau issue du tuyau d’échappement percé au fin fond du coffre arrière. Ce dernier, réparé sommairement, devra être changé l’hiver prochain.
Je jette l’ancre bien à l’abri, juste à coté d’un « Ultim » mal en point.
Il s’agit du trimaran Ultim Emotion, l’ancien Gitana 11, qui avait chaviré de nuit au large du Portugal le lundi 2 septembre 2019.
L’accident s’était produit au large de Porto. L’équipage de cinq marins avait déclenché sa balise de détresse, puis les hommes du bord avaient été hélitreuillés par les sauveteurs portugais, alertés par le Cross Gris-Nez. Remise à l’endroit, le voilier, démâté, avait été remorqué jusqu’au port d’Aveiro. Depuis, il semble abandonné. Un abri de luxe pour les mouettes d’Aveiro, quel dommage.
Le 1er octobre, à peine sorti du ria de Aveiro, je croise une importante troupe de grands dauphins qui filent plein Sud, surfant sur la houle, sans prêter attention à Azadi.
En milieu d’après-midi, je jette l’ancre dans l’anse du port de Povoa de Varzim pour la relever presqu’aussitôt. Les gardes côtes viennent de me signifier que le mouillage est interdit. Autrefois autorisé, selon les instructions nautiques, il semble que les importants travaux en cours pour la réalisation d’un second port soient à l’origine de cette interdiction. J’avais de toute façon prévu de m’abriter au port puisque les prévisions météo sont assez mauvaises pour les jours à venir.
Le 2, on reste sagement au port. Le 3, ça se calme niveau vent mais il reste quand même beaucoup de mer. Je vais donc attendre sagement le 4 pour continuer mon convoyage.
Je profiterai de ces moments pour me reposer, me balader dans la ville et échanger avec les occupants de Cocodelo, un couple, Marc et Catherine, et leurs 3 enfants – Anatole, Philomène et Sibylle – partis pour un tour de l’Atlantique sur leur Océanis 41.
L’occasion de reparler de ces orques joueurs puisque Cocodelo a eu la malchance de les croiser, le 13 septembre. Alors qu’ils entamaient leur périple, après une première escale à La Corogne en provenance de Bretagne, ils ont été victime d’un abordage par 2 orques de belle taille au large de Camarinas. Sitôt le premier instant de surprise passé, Marc, le skipper, a mis plein gaz en direction de la côte. Les Orques les ont suivi une dizaine de minutes sans intervenir. Grosse frayeur qui se soldera par une console de barre à réparer (stratification) et quelques marques de dents sur le safran. Non loin de ces deux orques, Marc a pu observer une femelle de belle taille et son petit.
Un autre voilier présent dans le port avait aussi croisé les orques sans plus de dommages.
Tout cela n’est pas de nature à me rassurer. Parmi les « parades » mises en œuvre, un plaisancier a mis sa gaffe au ras de l’eau et les orques s’y sont intéressées, délaissant le bateau. Un autre a laissé trainé un pare-battage dans son sillage avec le même résultat. Certains préconisent de mettre plein gaz quand d’autres pensent qu’il vaut mieux couper le moteur, voire les instruments électroniques. Difficile de s’y retrouver…
Les spécialistes se perdent en conjoncture. Aucune explication ne vient nous aide. Il faut se contenter de ce que nous glanons sur internet mais au final, la chance et les orques décideront. voir ici, et ici.
Pom’ profitera bien sûr de cette escale pour se promener, y compris dans un chantier auquel je n’ai pas accès. Ainsi, le soir, alors que j’aspire à fermer le bateau et rejoindre ma couchette, elle se promène. Je la localise bien vite avec son collier GPS et je vois ses yeux briller lorsque ma lampe les accrochent. Mais elle ne revient pas pour autant. Je ferai un grand détour en cherchant une éventuelle entrée. Pendant ce temps, cette chipie en profitera pour retourner vers le bateau, faisant une incursion sur le ponton d’accueil rempli de mouettes sans bien sûr les approcher mais provocant un bel envol groupé 😂.
Enfin, le 4 octobre, je reprends la mer en direction du Nord quand Cocodelo prend la route du Sud, du soleil. Le temps est gris lorsque je sors du port , le soleil bien caché derrière les nuages. La mer est calme avec une belle et longue houle sur laquelle Azadi file sans efforts. Parti à 08h30, je m’abriterai dans le port de Baiona – Espagne – après 57 milles de navigation… ou un peu plus puisque l’afficheur GMI 10 qui enregistre les vitesses, distances parcourues et autres indications utiles à la navigation, a « buggé » plusieurs fois. Problème d’alimentation peut-être dû à de l’humidité au niveau des connexions ? La « to-do list » de cet hiver s’allonge un peu plus.
Dans le port de Baiona, je viendrai jeter l’ancre par quelques mètres de fond bien à l’abri de la digue Nord. J’aurai sans doute pu prendre une bouée comme le fera un bateau arrivé peu après moi mais il y a de la place, peu de fond et le temps est calme, va pour l’ancre !
Le 5 octobre, je rallierai Porto Novo pour une nuit avant de passer la nuit suivante dans le port de Muros. Durant cette journée de navigation, j’ai croisé OAOATIMKA, grand catamaran vert en route vers le sud, qui avait aperçu une troupe d’orques 5 jours auparavant tout près du cap Finisterre, faisant eux aussi route au Sud.
Je ferai route avec Arès, Figaro 2 qu’un couple ramène depuis la Méditerranée jusque La Rochelle. Des problèmes de batteries les obligent à barrer quasiment en permanence, ce qui ne manque pas de les inquiéter pour la traversée du golfe de Gascogne.
Rien de particulier durant cette escale. J’en profite une fois de plus pour faire le plein de gasoil. Sur le port, au sec, un voilier ayant subi une « attaque » d’orques est sur bers. Il lui manque la partie inférieure de son safran.
Le 07 octobre, je quitte le port de Muros vers 11h00. Je pars pour une longue étape qui devrait m’amener à l’est de la Punta Estaca de Bares. Le premier port est celui de Viveiro, une balade d’environ 180 milles nautiques en tenant compte du fait que je dois m’éloigner à plus de 10 milles de la côte.
Cela ne m’enchante pas de passer une nuit en mer mais je ne tiens pas spécialement à servir de jouet à une bande d’orques indisciplinés. Le bateau est prêt à cette éventualité, le radeau de survie paré, la gaffe toujours accessible, un pare-battage avec un bot d’une dizaine de mètres est dans le cockpit… GO !
En doublant la pointe du cap Finisterre, je converse avec un voilier anglais, Pamina, qui longe la côte et ne semble pas informé du problème « orque ». Sur l’écran, je repère un autre voilier, toujours prêt de la côte, mais avec un indicatif français. J’entre en contact radio avec lui. Kraken, c’est le nom de ce voilier, arrive de Muxia, port situé juste avant Camarinas. Ils ont longé la côte et pas vu d’orques. De plus, sur la zone, selon les autorités portuaires de Muxia, il n’y a pas eu de signalement depuis 3 semaines. Il n’en faut pas plus pour me décider à rallier Camarinas par le chemin le plus court. Je serai très attentif toute la journée mais pas le moindre aileron ne viendra perturber ma navigation, même pas un petit dauphin !
A 18h15, je serai amarré dans le petit port de Camarinas que je retrouve avec un grand plaisir. J’y avais fait une première escale en 2012, puis une seconde en 2017 et je désespérais (!) de ne pouvoir m’y arrêter cette année. Le « responsable » du port est toujours fidèle au poste dans sa petite cahute en bois mais un vrai secrétariat existe maintenant. Le tarif est toujours aussi raisonnable (20 euros/nuit pour Azadi) et le café du club de voile est toujours aussi accueillant même s’il ne fait pas restaurant en ce moment mais uniquement pendant les périodes de congés scolaires. Dommage, je me serai bien régalé de belles et bonnes gambas comme en 2017 …
Le soir de mon arrivée, je téléphone au skipper d’Arès pour lui raconter ma journée. Toujours à Muros, ils ont reçu dans la journée la visite des douanes espagnoles qui leur ont appris la levée de l’interdiction de navigation le long des côtes… ouf, une bonne nouvelle !!!
Je passe deux nuits dans ce port avant de rallier la baie de Méra, juste à l’ouest de La Corogne. Navigation tranquille et nouvelle nuit paisible dans ce mouillage connu.
Le 10, je relève l’ancre pour une nouvelle étape. Il y a du vent et je chemine, au près, sous grand voile à un ris tout d’abord avant de rouler partiellement le génois et de prendre un second ris. La mer est bien formée et je dois régulièrement ajuster le cap suivi pour ne pas être trop chahuté.
En sortant de la baie de Méra, je me retrouve bord à bord avec ASAP, un catamaran de 41 pieds français en provenance de Toulon, en route pour La Rochelle. Nous échangerons par VHF plusieurs fois au cours de la journée. Vers midi, le vent refusera et la mer restera très chaotique. La vie à bord n’est vraiment pas confortable. Ma pauvre Pom’, après s’être fait trempée lors d’une de ses rares incursions dans le cockpit, passera une bonne partie de la journée blottie dans sa caisse ou dans un équipet très inconfortable. Son regard ne laisse aucun doute sur son déplaisir. Elle fait peine à voir.
L’évolution de la météo n’arrange pas mes affaires. Les abris possibles, que ce soit Carino, Espasante ou encore Viveiro, ne sont pas vraiment conseillés avec les conditions de vent et de mer qui sont les nôtres aujourd’hui. Pas d’autre choix que de continuer jusqu’à Port Alumina, port de la ville minière de San Cibrao que nous atteindrons de concert avec ASAP en début de nuit. Nous mouillerons côte-à-côte (21h00 pour moi) pour une nuit de repos bien méritée après 12 heures de mer et 70 milles parcourus. Pom’ revit !
Il y a des lumières partout dans ce grand port pas vraiment fait pour accueillir des voiliers de passage. A l’extrême droite (sur la photo ci-dessous) se situe le port de pêche relativement encombré et dont les profondeurs ne me permettaient pas de mouiller. Il faut dire que de nuit, mouiller dans un endroit inconnu est parfois assez folklorique… ou flippant !
je jetterai l’ancre près de la grande plage par une dizaine de mètres de fond.
Le lendemain, ASAP quitte son mouillage un peu avant moi. Nous ferons route quasiment ensemble jusqu’au port de Luanca. Encore 50 milles au compteur. Avec son tirant d’eau plus faible qu’Azadi, ASAP peut mouiller dans le port mais il ne sera pas possible pour son équipage de débarquer. Quand à moi, je jette l’ancre dans l’avant-port et sollicite l’aide de promeneurs pour passer une amarre sur l’arrière.
Un grand voilier hollandais est tranquillement ancré au milieu de l’avant-port sans se soucier apparemment des autres navires. Les instructions nautiques conseillent fortement de s’ancrer puis de passer une amarre à terre pour ne pas gêner les bateaux de pêche.
Le lendemain, ASAP est déjà parti lorsque je lève l’ancre. Si je récupère mon amarre portée à terre sans difficultés, je dois composer avec le voilier hollandais pour relever l’ancre. En effet, il a tourné et se trouve maintenant entre Azadi et son ancre. Je remonte lentement la chaîne et tout doucement je réussi à passer à quelque mètres sur son arrière. Belle manœuvre, je me vote illico les félicitations de l’équipage. Le skipper hollandais fera une apparition une fois mon ancre à bord. Sans doute n’avait-il pas envie de bouger son bateau.
L’étape du jour va nous conduire jusqu’à Gijón, dernière escale avant le golfe de Gascogne et Soubise.
Parti à 9h00, je serai en vue du port de Gijón à 15h00 mais ne prendrai les amarres qu’à 16h00 passées.
Le port de Gijón est immense. Nous devions impérativement passer par la case capitainerie avant 17h00 puisque ce 12 octobre, c’est la fête de l’Hispanité et que les services du port ferment à 17h00.
La journée s’est étirée sans souci si ce n’est que les données fournies par l’anémomètre m’ont semblé très bizarre. En regardant au sommet du mat, je m’apercevrai que l’aérien, l’hélice, a disparu !!!!! Va falloir faire sans et rajouter une ligne à la « to-do-list ». ce rythme, ca ne va pas être tout doux 😉.
Le soleil ne s’est pas montré de la journée et il ne fait que 16 degrés dans le bateau. La Grèce est bien loin.
Gijón donc où je vais rester deux nuits. La météo semble bonne pour un départ le 14 dans la matinée. Je vais la suivre régulièrement. En me promenant en ville je retrouverai l’équipage d’ASAP, Anne et Gilles, pour un petit café avant de diner à bord de leur cata. Nous comparerons nos infos météo et tomberons d’accord pour un départ de concert le 14 octobre au matin. Au passage, j’apprends que ASAP est l’ancien nom du bateau qui s’appelle dorénavant Ré-Monde. Anne et Gilles, habitants sur l’île de Ré, ont l’intention de larguer prochainement les amarres pour un tour du monde. Belle perspective.
Je doute de pouvoir faire la route avec lui. Plus long, disposant de 2 moteurs de 57 CV, ASAP/Ré-Monde devrait tenir une moyenne plus élevée qu’Azadi.
14 octobre, 09h45, Azadi sort du port de Gijón, cap sur Soubise avec environ 260 milles à courir en trace directe. Le vent du Nord-Ouest souffle environ à 20 nœuds. Je fais route au cap 50 sous grand-voile à 1 ris et génois déployé. Dans ces conductions, Azadi trace fièrement sa route.
A 12h00, nous nous trouvons à 222 milles de la Pointe de Chassiron.
C’est à peu près à cette heure que je joins Brigitte par téléphone alors que je me trouve environ à une vingtaine de milles de la côte. Le prochain appel ne sera possible qu’à proximité des côtes françaises pour lui annoncer mon atterrissage proche. Je sais qu’elle va suivre Azadi sur les applications dédiées. J’espère que ces applications fonctionneront correctement et que cela n’occasionnera pas, chez celles et ceux qui me suivent, de craintes infondées.
190 milles de Chassiron à 18h00. Entre-temps, j’ai d’abord pris un second ris sous les orages avant de remettre toute la grand-voile.
Au menu du soir, une belle entrecôte et des pommes de terre rissolées. Après diner, je joins ASAP par VHF. Tout va bien pour eux, Gilles me dit qu’ils prennent tranquillement l’apéritif dans leur carré.
A 22h00, le vent tombe et je mets le moteur en marche. Azadi est à 162 milles de Chassiron. La nuit se passe tranquillement. Je somnole tout en surveillant les alentours. ASAP est tantôt devant, tantôt derrière. Finalement il ne va pas plus vite qu’Azadi.
La pluie m’accompagnera une bonne partie de la nuit et de la matinée. A midi, le 15 octobre, nous serons à 102 milles de la Pointe de Chassiron. 120 milles parcourus en 24 heures, c’est une moyenne correcte pour mon bateau.
Le moteur ronronne entre 1800 et 2000 tours selon les circonstances. Je m’efforce de garder une vitesse régulière, autour de 6 nœuds, infléchissant parfois mon cap pour mieux passer les vagues. J’essaie aussi de faire de petits sommes en vue de la seconde nuit. Dans l’après-midi, nous croiserons un paquebot et peu de temps après un moineau viendra trouver refuge sur Azadi. Il volera longtemps avant de se décider. Epuisé, il se blottira, instable, sur le canot de survie. Je l’attraperai sans peine et, afin de le mettre à l’abri, je le mettrai dans le cabinet de toilette. Las, pas le temps de fermer la porte qu’il s’échappera dans le carré sous l’œil intéressé de Pom’, puis hors du bateau. Je le verrai s’enfuir a tire-d ‘ailes, se poser une fois sur l’eau avant de disparaître au loin. Difficile de sauver ces moineaux sortis de nulle part…
L’après-midi passe lentement. j’ai l’impression de me traîner alors que ma vitesse est sensiblement toujours la même. A 18h00, 70 milles à courir pour la Pointe de Chassiron, puis 58 deux heures plus tard après m’être restauré (côte de porc/purée, faut se caler pour la nuit !). J’essaie de dormir, toujours par tranche de 45 minutes mais je n’y arrive pas vraiment. Pourtant, je devrai être proche de l’île d’Oléron vers 3h00 du matin et je ne doute pas de la présence de nombreux pêcheurs et j’aurai besoin d’être en forme.
C’est bien ce qui se passe. A 03h30, je suis à 15 milles de la Pointe de Chassiron. Sur l’écran, de nombreuses cibles AIS, sur l’eau de nombreux bateaux de pêche. Justement, j’en repère un sur bâbord, pas très loin d’Azadi. Sa route semble l’écarter de moi. Je dis « semble » car il n’est pas toujours facile de repérer les feux de navigation de ces bateaux qui sont illuminés de multiples phares de travail.
En regardant l’écran, j’ai l’impression dérangeante que le pêcheur aperçu ne correspond pas à la cible AIS la plus proche. Je me précipite au dehors et là, juste devant l’étrave d’Azadi, mon pêcheur croise ma route, très près, trop près. Je saute sur la manette de gaz, arrête Azadi avant de dévier fortement ma route.
Il est en action de pêche, traîne un chalut et se moque totalement de moi.
OK, il bosse, mais quand même ! Pourtant, je respecte les pêcheurs, fait ce qu’il faut pour ne pas les gêner dans leur boulot, mais parfois, j’enrage de croiser la route de certains, vrais bourrins qui n’ont aucune considération pour les plaisanciers. Sur ce coup, peut-être que cela passait, peut-être pas !
Bien évidemment, il n’avait pas d’émetteur AIS ou peut-être l’avait-il coupé pour ne pas être repéré par ses collègues, CRETIN ! Il lui était pourtant facile de s’assurer que j’avais une trajectoire régulière, il lui était facile de se décaler de quelques degrés et de passer sur mon arrière. Mais non, le Maitre des Mers ne voulait pas se bouger. Triple Crétin que j’abreuvai d’insultes bien senties mais qui s’en moquait éperdument.
Du coup, je suis totalement réveillé.
Je retrouve ASAP sur l’écran AIS. Je l’ai perdu plusieurs fois ces dernières 24 heures. A ma grande surprise, il est environ à une heure derrière Azadi.
Il est presque 4 heures du matin et il me reste environ une quarantaine de milles avant Soubise. Je ne pourrais de toute façon pas y arriver ce matin puisque je dois tenir compte de la marée. Elle commencera à remonter vers 13h00.
En attendant, je veille. un peu après 06h00, le jour se lève et à 07h00, je déborde la Pointe de Chassiron et pénètre dans le Pertuis d’Antioche que nous avions quitté le 4 juillet 2017. Que de chemin parcouru avec Azadi depuis ce jour !
Je préviens par téléphone Brigitte qui avais vu sur Marine Traffic que j’étais en approche. Elle est soulagée de savoir que la traversée s’est bien passée et que j’en termine tranquillement avec cette longue navigation en solitaire.
Enfin, c’est Fort Boyard que je laisse à tribord avant d’aller prendre une bouée devant l’île d’Aix en attendant la bascule de la marée.
280 milles parcourus en 48 heures et 15 minutes. Je suis content de moi et de mon bateau !
Déjeuner au calme, sous le soleil, petite sieste dans le cockpit avant de lâcher la bouée et d’embouquer la Charente pour m’amarrer, à 16h00, au ponton de Soubise.
Au final, 34 jours de navigations et 33 nuits dont 7 en navigation, 10 au port et 16 au mouillage. A cela, il faut bien sûr rajouter les 7 jours et 7 nuits de la longue escale à Lisbonne, le tout pour 2113 milles parcourus.
Azadi sera sorti de l’eau le surlendemain, samedi 18. Brigitte me rejoindra pour l’occasion, le plaisir d’une dernière croisière de 5 minutes avant l’hiver.
En attendant, je profite du soleil de la petite brise pour rincer et sécher les voiles.
Ensuite, il sera temps de rincer les moteurs et de désarmer Azadi pour l’hiver, de procéder à des travaux essentiels, d’autres moins essentiels voire pas essentiels du tout mais ça, tout le monde sait de quoi je parle : Ce sont des concepts que nous maitrisons tous à la perfection en ces temps de Covid
En attendant, je vais retrouver Poitiers et ma vie de terrien.
Mais ceci est une autre histoire.
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