D’Elounda à Rhodes.

Le jeudi 29 mai, l’ancre s’arrachait du sable de la baie de Spinalonga et Azadi mettait cap à l’Est pour rejoindre Sitia. Nous allons y passer deux nuits calmes, prenant le temps de terminer nos formalités relatives à l’ETEPAI. Ce dernier « truc » est une nouvelle taxe dont doivent s’acquitter les navires circulant dans les eaux grecques. C’est nouveau, cela vient de sortir… Initialement prévue pour le 1er avril (Gag !!!), elle est effective depuis le 9 mai. Après nous être laborieusement inscrit sur le site dédié nous allons terminer la procédure en payant (enfin) cette taxe – bizarre d’être heureux de régler une taxe !!! – sans que les garde-côtes ne nous tiennent rigueur du retard. Pour info, cette taxe est de 33 euros par mois pour un bateau de la longueur d’Azadi. Au-delà de 12 mètres, c’est 8 euros/mètre soit 120 euros par mois pour un 15 mètres, dont les proprios trouvent la différence avec un 12m assez salée. M’enfin, on a les moyens où pas….

A Sitia, 6 voiliers italiens naviguant de concert viendront compléter les places libres le long du quai.

Le port de Sitia, la nuit.

Avisés qu’ils souhaitaient se rendre ensuite à Kassos comme nous, nous larguerons les amarres de bon matin. Le port de Kassos n’est pas très grand et j’escomptai ainsi m’amarrer à une bonne place. Nous arriverons ainsi une dizaine de minutes avant le premier d’entre eux. En cours de route, m’apercevant qu’ils étaient au moteur j’en ferai de même alors qu’Eole nous poussait paresseusement entre 3 et 4 nœuds, ce qui suffisait à mon bonheur mais ne m’assurait pas d’arriver avant les bateaux de l’armada italienne. Il restait une place à l’intérieur du port où nous amarrâmes Azadi, bien contents de voir les autres bateaux s’amarrer le long de la jetée extérieure, légèrement moins protégée mais à l’abri quand même de la digue. 7 voiliers arrivant quasiment ensemble, quelques minutes avant le ferry assurant la ligne régulière du Pirée à Rhodes, c’en était trop pour les garde-côtes qui me demandèrent de repasser le lendemain pour les formalités.

Azadi confortablement amarré dans le port de Bouka, village de Fry (Kassos)

Kassos est la plus au sud des îles du Dodécanèse, entre Karpathos et la Crête. Aride, elle semble pauvre et l’on se demande bien comment vivre à l’année sur une si petite terre. La « saison touristique » dure à peine trois mois de juin à septembre, ce qui ne nous empêche pas de trouver nombre de petits cafés et plusieurs restaurants et tavernes. Nous retournerons d’ailleurs avec plaisir au « Giaèli » que nous avions apprécié l’an dernier. Surprise, la jeune – et charmante – patronne, Marie, se souvenait de nous tout comme nous nous souvenions d’elle. Il est vrai qu’en mai dernier il n’y avait pas beaucoup de clients et qu’elle avait pris le temps de nous expliquer chaque plat du menu,  uniquement rédigé en grec. Nous avions de plus eu droit à une jolie part du gâteau d’anniversaire fêté ce jour .

 

Au menu de ce soir, Falafelles et Tiropita (tranche de féta roulée dans une feuille filo, caramélisée au miel, agrémentée de graines de sésame. Les jeunes diraient que c’est une « tuerie » et je confirme !) puis des Dolmadakia – feuilles de vignes farcies au riz et à la viande de bœuf et un plat de macaronis et sitaka (fromage de chèvre local) nappés d’oignons rouges caramélisés. Copieux, nous ne viendrons pas à bout de ce festin accompagné d’une carafe d’un vin rouge léger, local lui aussi et introuvable en bouteilles. Dommage !

Arrivés le samedi 1er juin, nous y resterons jusqu’au 7 au matin…Kassos use de son charme discret pour nous retenir. Les jours s’écoulent tranquillement. Le matelot arpente la ville de bon matin, prend ses habitudes dans les cafés pendant que le capitaine dort du sommeil du juste.

Nous ferons le tour de l’île, en voiture afin de profiter des quelques sites touristiques que Kassos nous offre. A Panagia, nous apprécierons l’église de Pera Panagia, six chapelles construites côte à côte, exemple unique d’architecture byzantine.

Les six chapelles de Pera Panagia (Kassos)

A Agia Marina, village perdu dans l’île, un café grec et un coca nous seront facturés, en terrasse bien sûr, 3 euros. Et en prime, le cafetier nous apportera deux petits pains farcis aux épinards et deux cuillères de Sitaka. Ces gens là ne seront jamais riches et ils s’en moquent.

Nous pousserons jusqu’à la plage d’Hélatros au sud-ouest qui nous décevra. Certes le site est splendide mais nous n’y trouverons qu’une demi-douzaine d’hommes occupés à aménager cette plage, un travail de forçat en plein soleil à déplacer galets et gros cailloux. En gros, c’est le bazar partout, rien n’est prêt, ce qui confirme notre impression que la saison ne commence véritablement que début juillet.

Au fond de la vallée, la plage d’Hélatros.

De même, nous nous perdrons avant de trouver la grotte de de Ellinokamara, ancien lieu de culte qui a ensuite servi de refuge pour les iliens durant les raids des pirates. Nous laisserons la voiture environ 500 mètres avant la grotte après avoir bien failli être resté coincé entre des murets de pierre…. Le GPS en perdait son latin…et son grec. Arrivés au pied de la colline, un fort beau sentier pavé de pierres et bordé de murets nous emmène jusqu’à la grotte. Dommage que manquent les 100 premiers mètres qu’il faut parcourir au milieu des chardons et autres mauvaises herbes câlines avec nos mollets. Le sentier de pierres n’est pas fini, la crise est passée par là et ses effets sont bien visibles. Manquent encore les éclairages dont on devine les gaines pré-installées et, donc, une centaine de mètres de chemin. Tout doucement la nature reprend sa place sur les espaces péniblement aménagés.

Cette promenade nous confirmera le caractère particulier et rude de l’île, à laquelle pourtant ses habitants semblent très attachés. Partout ce n’est que pierrailles. Quelques lopins de terre émergent, entourés de hauts murets de pierres édifiés au fil du temps par des générations d’îliens. Ils abritent majoritairement des oliviers dont la cime est souvent courbée. Le vent doit souffler dur par moment dans les parages…

De belles racines (Kassos)

Marie et Ossama – le cuisinier du Giaeli – nous saluent à chaque rencontre. De même, une tête blanche salue chaleureusement Brigitte à chacune de ses promenades solitaires de son plus beau sourire. Dommage qu’il n’ait plus beaucoup de dents, m’enfin, c’est l’intention qui compte !!!!!!

Il en est de même pour les pécheurs que nous voyons entrer et sortir du port très régulièrement. Et tout aussi régulièrement, nous les voyons ramender leurs filets qui sont d’un jaune éclatant. En observant les prises ramenées un soir, le marin m’a appris qu’il était égyptien. Il y en aurait beaucoup sur les bateaux de pêche de la région.  A chaque arrivée des bateaux de pêche les goélands se précipitent et, chaque fois que l’un deux hérite d’un morceau de poisson, il détale à tire d’ailes poursuivi par quelques jaloux bien décidés à profiter de l’aubaine. C’est alors l’occasion d’un ballet aérien digne des meilleurs meetings. Tout y passe, vrilles, piqués, et longues glissades sur l’aile… de vrais ballets. A terre, les chats sont également présents et ont toujours droit à quelques petites pièces qu’ils s’empressent de dévorer à l’ombre des véhicules stationnés sur le parking. Une petite vie bien réglée tant pour les hommes que pour les animaux.

En discutant avec un couple d’italien qui vient chaque année sur l’île, nous apprenons que le jeudi 6 sera commémoré l’anniversaire du massacre de la quasi totalité des habitants de l’île (7000 personnes) commis par les hommes de Mehmet Ali, alors gouverneur ottoman d’Egypte, en 1824. Bizarre de commémorer un massacre, m’enfin…

Kassos restera sous domination ottomane avant d’être occupée par les italiens (1912), puis d’être rattachée à la Grèce en 1947.

La fête commence le jeudi pour se terminer le samedi, commémoration nationale du 8 mai. Pendant que je tape ce texte, les préparatifs battent leur plein. La chorale continue ses répétitions, des pétards explosent de-ci, de-là, les peintres fignolent les derniers détails, un coup de pinceau bleu par ici, un coup de rouleau blanc par là… Tout doit être nickel…

Prêt à prendre la mer

Pour la dernière soirée, nous aurons donc droit à la fête… Enfin, il faudra d’abord endurer – en grec – les discours de la mairesse, d’un homme politique et même du pope… Ensuite seulement ce seront quelques danses folkloriques exécutées par les enfants des écoles puis par des habitants, tout ce beau monde en costume d’époque.

Clou de la manifestation, le débarquement des assaillants avec force fumigènes, pétards et feux d’artifice. Las, me souvenant que Pom’ n’était pas enfermée dans le bateau, je me précipitai pour constater qu’elle avait disparu, terrorisée par ce vacarme. Il me fallut un gros quart d’heure et la fin du débarquement pour la voir réapparaître toute peureuse et bienheureuse de me retrouver.

Les ottomans attaquent… (Kassos, 1824)

Conséquence de cette prolongation de séjour à Kassos, nous zapperons l’escale prévue dans la baie de Tristomo, au nord-ouest de Karpathos pour filer directement sur Halki avant de rallier Rhodes le 8 juin.

Rien d’extraordinaire concernant Chalki. Si la baie est beaucoup plus ouverte, le port n’est pas sans rappeler Symi avec ses maisons colorées qui s’étalent sur les pentes de la colline environnante.

Après une bonne nuit, nous repartirons pour Rhodes et sa marina. Nous prendrons le temps d’une belle promenade dans l’île, ce que nous n’avions pas fait l’an dernier. Nous visiterons ainsi les thermes de Kallithéa. Célèbres depuis l’antiquité pour leur eau minérale rouge censée guérir presque tout. Inaugurées en 1929 par les italiens, elles ont récemment nécessités un long travail de restauration. Achevé en 2007, avec une vocation touristique et commerciale affirmée, l’ensemble est harmonieusement intégré dans le milieu naturel. Outre les bains de mer dans la magnifique baie, le site est magnifique et propose un large éventail de manifestations culturelles ou religieuses. C’est également un lieu prisé pour y fêter des mariages.

Quelques scènes du film « Les canons de Navarone » y furent tournés.

Bref, un bon moment de détente dans un cadre somptueux !!!

Nous continuerons par la visite très rapide des ruines de la forteresse d’Archangélos… circulez il y a peu à voir et la route d’accès est très confidentielle ! Ensuite ce sera la vallée du papillon… Bon, j’abuse on en a vu au moins … 14 ! Alors que les guides touristiques indiquent la période juin/fin août, il s’avère que les papillons ne sont présents en nombre que du 15 juillet au 15 août. Dommage, la balade le long d’un ruisseau quasiment à sec est agréable et doit être très sympathique avec des milliers de papillons voletant dans cette vallée. Dommage…

Au retour, je ferai l’ascension qui mène au monastère de Panagia Tsambika. 300 et quelques marches qui donnent droit à un point de vue superbe … et mérité !

Bien sûr, nous ne pouvions repasser à Rhodes sans revoir Constantina. Aussitôt arrivés, nous la prévenons et prenons rendez-vous pour boire un verre ensemble. Malheureusement, son ami ne pourra nous rejoindre, victime d’un problème sur leur voiture qui contraria beaucoup Constantina, ne nous permettant pas, de plus, de dîner avec eux. Peut-être la reverrons-nous en France où elle aimerait venir prochainement. En tous cas, les ponts ne sont pas coupés et les messageries fonctionnent.

Le mercredi 12 juin, l’avion de la compagnie Olympic Airways s’envolait de l’aéroport international de Rhodes emportant Brigitte vers Athènes d’abord, la France ensuite. A 20h00, elle retrouvait son appartement poitevin alors que moi, abandonné, j’avais déjà rallié la baie de Panormitis sur l’île de Symi.

Mais ceci est une autre histoire.

j’oubliais…. partout de jolis matous qui nous attirent immanquablement.