Nous avons levé l’ancre dans la matinée du 29 septembre après la plus mauvaise nuit que nous ayons connu à ce jour sur Azadi. La houle nous prenait par le travers, faisant rouler le bateau et ses occupants bord sur bord. Autant dire que nous n’avons quasiment pas fermé l’œil de la nuit.

En route donc pour la cote amalfitaine puis le port de Salerno où  nous laisserons Azadi pour aller visiter Pompéi.

Vue du large, cette cote est magnifique. Les maisons s’étagent de ci de là sur les collines abruptes. La route côtière tortueuse à souhait que nous apercevons du bateau doit réserver à ses utilisateurs de magnifiques points de vue.

Après nous être arrêté déjeuner devant Positano, nous avons continué à admirer cette magnifique côte, échancrée à souhaits.  Nous mouillerons le soir venu devant le port de Salerno pour une nuit très paisible. Au matin suivant, nous irons nous amarrer dans le port.

Là, un « ormegatori » nous siffle depuis le bout d’un ponton et nous indique où nous amarrer. A peines les amarres lancées, elles sont tournées aux taquets et un marin monte à bord pour amarrer l’avant à une pendille… service 4 étoiles !

Ensuite, je suis dirigé vers l’accueil où un autre marin du port me calcule le tarif pour la nuit, à régler en cash. La somme est arrondie à la dizaine inférieure à la vue du billet de 50 euros que je lui tends, lequel billet est prestement rangé…dans la poche de chemise du marin. Au moins les choses sont claires !!!

Sans perdre de temps, nous prenons le train qui nous mène à Pompéi.

La visite est vraiment impressionnante. Nous déambulerons ainsi au cœur de cette cité ensevelie en l’an 79 de notre ère. Ce fut si soudain et si violent, la pluie de cendres qui étouffa la ville fut si importante que, paradoxalement, elle maintient au fil des siècles les ruines dans un état de conservation exceptionnel. Il n’est pas difficile de s’imaginer la vie des habitants de la cité.

Après cette plongée dans le temps, retour à notre navigation et poursuite de notre voyage au large des côtes italiennes. C’est ainsi que nous approcherons du Stromboli en fin de nuit et nous nous laisserons longuement dériver sous son vent, scrutant les panache de fumées odorant qu’il émet régulièrement plusieurs fois par heure. De loin, à presque 20 milles de distance, j’avais pu apercevoir des lueurs orangées tandis que Brigitte, de plus près, verra distinctement une langue de feu jaillir du volcan… très joli !

Lever de soleil sur le Stromboli

Après le Stromboli, nous avons mis le cap sur l’île de Lipari, vantée par les guides. Mais, ne trouvant pas de mouillage convenable, nous avons continué jusqu’à l’île voisine de Vulcano.

Cette dernière nous offre deux possibilités de mouillage selon la direction du vent. Nous rejoindrons la baie de Port-Poniente où nous attendent une vingtaine de voiliers. Sur Vulcano, il y a le volcan bien sûr, inactif mais duquel fusent des fumerolles, gaz chargés en soufre. Il y a aussi la vallée des Monstres sur Vulcanello, figures bizarres sculptées par Dame Nature  lors d’une éruption précédente, il y a aussi les bains de boue ou encore ces petits geysers qui jaillissent dans la mer, tout près de la plage du coté de Port-Levante.

Nous ne verrons rien de tout cela.

Le premier matin, comme souvent, nous emmenons les minettes se dégourdir les pattes. il y a la plage et une lande rocheuse qui nous semble prometteuse. Après un moment de ballade, je me hisse avec les deux chattes au sommet d’une butte qui me permet de surplomber cette lande et la baie où Azadi se balance tranquillement. A la descente, Pom’ et Vanille tirent la langue. Le soleil chauffe. Elles font demi-tour. Je vois Pom’ partir vers le bord de la falaise et Vanille, traînant sa laisse rouge qu’à aucun moment je ne songe à lui retirer, prendre le chemin du retour.

Je ne la reverrai plus.

Confiant, je rejoins Brigitte et nous rebroussons chemin. Les chattes ont disparu. Nous pensons tout d’abord qu’elles ont continué jusqu’à l’annexe, étonnés tout de même de ne pas les retrouver écroulées à l’ombre d’un buisson.

Elles ne sont pas près de l’annexe, pas sur la plage. Nous retournons sur la lande mais n’apercevons aucune de nos deux minettes. Vite, nous sautons dans l’annexe longeons la falaise. C’est ainsi que nous retrouvons Pom’ qui longe en miaulant le haut de la falaise. Je débarque Brigitte qui s’empresse de la récupérer, mais toujours pas de trace de Vanille. Nous avons perdu du temps, ne faisant pas les bons choix. Moi le premier qui aurait dû prendre mes puces dans les bras et les ramener sur le bateau. Je m’en veux terriblement de cette erreur de jugement. Nous passerons la semaine suivante a arpenter cette lande maudite, retournant les buissons, fouillant les maisons désertées pour l’hiver ou le centre de vacances curieusement ouvert à tous vents.

Rien, pas ne trace, pas un miaulement.

Du lever du soleil au soir, la nuit bien avancée nous roderons, appellerons sans fin à en perdre la voix, à faire hurler les chiens du voisinage. Le troisième jour, un habitant nous affirmera l’avoir vu furtivement . Nous intensifierons les recherches dans ce quartier,mais était-ce bien elle ? Nous multiplierons les rencontres, expliquant notre problème. Nous imprimerons une affiche en italien et anglais que nous distribuerons et afficherons un peu partout. Très rares seront les personnes de l’île (730 habitants) qui ignoreront que deux français avaient perdu leur chatte, una bellissima gatta comme beaucoup nous diront en voyant les photos. Seule une harpie nous suivra pour mieux faire intervenir les carabinieri. Ces derniers nous intercepteront lors d’une énième recherche, alors que nous collions des affiches. Contrôle d’identité et fouille des sacs… Merci, S….e !

Sinon, nous aurons le meilleur accueil partout,  les gens comprenant notre détresse et assurant qu’ils nous préviendraient au cas où… Les avis de recherche sont placardés partout, café, restaurant, tabac, boulanger… les photos de ma puce sont partout et me déchirent le cœur lorsque je les voie. Nous ferons aussi connaissance de Mariangela. Elle tient une boutique pour animaux et s’occupe des chats errants sur l’île. Toujours souriante , elle nous comprend d’autant plus qu’elle se défini comme une gattara, une amoureuse des chats. Nous apprendrons qu’elle vit un drame atroce, avec la disparition depuis plus d’un an de son fils lors d’une partie de pêche en solitaire au large de Vulcano. Son attitude force les respect.

Nous rencontrerons aussi Mira qui cherchera Vanille avec nous, le soir, le matin… adorable. Yannis, de Poitiers, alertera via Facebook, des magasins, des restaurateurs, des clubs de plongée ou encore des boites de nuit. Le message sera partagé mais ne me rendra pas Vanille.

La saison avance et nous prendrons la décision de partir. Le dernier soir, nous dînerons avec Mira, un bon moment d’échanges et de rires, un sas de décompression… Mira parle très bien le français pour avoir étudié trois ans à Paris et enseigné l’italien à Bruxelles. Elle nous a grandement aidé durant notre séjour et si Vanille réapparaît, elle nous la gardera le temps nécessaire à notre venue.

Le mardi 10 octobre, une semaine après notre arrivée, nous repartirons sans Vanille, le cœur gros avec  l’impression de l’abandonner à nouveau.

Ce sentiment, je l’éprouve toujours même un an après en mettant ce texte à jour. je continue à espérer un appel de Mira. En novembre (2017) alors que nous quittions Elounda, elle nous avait appelé pour nous dire qu’elle avait battu la lande avec un ami chasseur et son chien. Rien, aucune trace, pas de cadavre non plus… Mince consolation, peut-être Vanille a-elle été récupéré par des touristes de passage pour la journée comme il y en avait tant durant ces premiers jours d’octobre. Peut-être s’était elle débarrassée de son collier et du numéro de téléphone qui y figurait. C’est ce que j’espère…

D’aucun me diront que ce n’est qu’un chat…ils ont tout faux. Certes, ma petite puce appartient bien à cette merveilleuse famille des chats, de gouttière ou plus pompeusement de race européenne. 

Mais elle représente beaucoup plus que cela.

 

Cette petite boule de poils que je suis allé chercher avec Yannis un soir d’août 2013 n’avait rien demandé à personne. Nous l’avions préféré à Pom’ dans un premier temps – son petit bout de nez noir nous avait conquis – mais saisis de remords à l’idée de la laisser seule, après cinq kilomètres nous faisions demi-tour et prenions également Pom’ avec nous.

 

Et depuis plus de 4 ans elle partageait ma vie au quotidien. Rares sont les périodes où je ne la voyais pas. Hormis le voyage aux USA, pas de longs moments sans mes minettes. Je les traînais partout, en voiture ou en bateau, en Auvergne, chez Brigitte ou à Soubise.

 

Et si je les ai adoptées, je crois pouvoir dire qu’elles m’ont adopté aussi

Et cela veut dire qu’elles ont une confiance totale en moi, et c’est cette confiance que j’ai eu l’impression de trahir en abandonnant ma puce à Vulcano.

 

Lorsqu’elle s’abandonnait dans mes bras, ne craignant rien, lorsque je la portais sur l’épaule, ses pattes pendantes devant et derrière, sans même se tenir, sans sortir ses griffes, c’était juste de la confiance envers moi. Elle se sentait protégée. Les voitures, les scooters ne la faisaient pas tressaillir d’un poil… Elle ne bougeait pas lorsque, surpris de voir un chat dans cette situation, des enfants et, souvent, des vieilles personnes, la caressait…un amour de chat.

 

Pas la moindre crispation lorsque je la posais quelque part. Elle savait que ne la lâcherai pas avant que ses pattes soient en appui… Brigitte me fait bien remarquer de temps en temps que je fais plus attention à mes greluches qu’à tout autre chose….Vrai sans doute et pourtant j’ai fait preuve de la plus stupide et cruelle inattention que Vanille a peut être payé au prix fort.

 

Et parce que j’ai cru la connaître suffisamment pour la laisser s’éloigner ce mercredi de malheur, je l’ai perdu. Un chat est par nature imprévisible et ne fait que ce qu’il a envie de faire quand bien même il arrivait à Vanille d’être aussi docile qu’un petit chien, nous suivant en laisse sans rechigner, s’installant au restaurant sur une chaise ou sous notre table et se faisant oublier, comme elle l’avait encore fait à Procida une semaine avant de disparaître…

Je ne me pardonne toujours pas de l’avoir abandonné.