La Corse en voilier, les petites criques inaccessibles de la terre rien que pour nous, un rêve réalisé en cet été 2017. Et de plus, un rêve partagé avec Céline et Antoine pour le plus grand bonheur du matelot, heureuse de ces vacances avec sa grande fille.
Nous avons partagé ce séjour en plusieurs parties : navigation jusqu’au golfe de Piana avec une escale a Cargèse et un concert de chant polyphonique corse dans l’une des deux églises de la ville, puis une escapade en train jusqu’à Corte et enfin une seconde navigation pour découvrir Bonifacio
Sur la route des calanques de Piana, nous avons donc fait escale à Cargèse, petit village de la côte ouest d’à peine plus de mille habitants, héritier d’une histoire riche et mouvementée depuis l’installation d’une colonie grecque à la fin du 17ième siècle.
Depuis 1774, les descendants d’une colonie grecque ayant fui la tyrannie ottomane en 1676, ont prospéré sur ce promontoire entre le golfe de Pero et le golfe de Sagone. La Corse étant alors sous domination génoise, l’autorisation fut concédée aux candidats à l’exil de s’y installer à condition qu’ils italianisent leurs noms, qu’ils choisissent de s’installer dans une zone isolée et qu’ils mettent de l’eau dans leur vin orthodoxe en reconnaissant le pape… Une fois ces clauses admises, la colonie prend racine sur les hauteurs, à Paomia, le 14 mars 1676 avant de s’installer durablement en 1797 à Cargèse. Elle a pu y prospérer et l’on décèle maintenant les étymologies grecques dans les patronymes actuels – Stéphanopoli, Capodimacci, Dragacci, Voglimacci et autres Exiga et Frangolacci.
Certains descendants continuent même de parler grec tel l’actuel maire de Cargèse, François Garidacci, qui descend d’une famille dont le nom était Garidakis. Bien évidemment, la commune est jumelée en Grèce avec Oitylo (ex-Vitylo, d’où étaient originaires les Grecs qui se sont installés en Corse)
La nef de l’église de rite grec Saint-Spiridon (évêque chypriote) , est séparée du chœur par une iconostase, cloison en bois richement sculptée et ornée d’images saintes. Cette église est unique en France
Aujourd’hui, à Cargèse, les fracas de l’histoire se sont tus. Les deux églises, construites au XIXe siècle, à cinquante ans d’intervalle, se font face. Toutes deux sont le résultat d’une vraie ferveur : c’est une souscription qui lance l’église latine, qui mettra plus d’un quart de siècle à être construite. Quant à l’église grecque, achevée en 1874, ce sont les fidèles eux-mêmes qui y travaillent le dimanche après la messe, jusque dans la nuit.
Autrefois rivales, elles sont aujourd’hui solidaires. On y a même assisté à une situation impensable ailleurs en ces temps de crispation religieuse : jusqu’à sa retraite en 2010, monseigneur Marchiano a assuré l’office dans les deux rites (dont l’un en grec ancien !) Et lors des grandes dates du calendrier – la fête du basilic (14 septembre, rappelant la découverte de la Vraie Croix par Hélène, guidée par l’odeur du basilic), la Saint-Spiridon (12 décembre), la Saint-Antoine-Abbé (17 janvier) ou le lundi de Pâques, c’est tout le village qui participe. De quoi en tirer une belle parabole : quand la religion unit plutôt que divise.
Vue sur Cargèse et l’église de l’Assomption.
Une belle ville que nous avons vraiment apprécié, d’autant plus que nous y avons assisté à un concert du groupe Méridianu dans l’église latine (écoutez ici)
Balade à Corte.
Tous les guides touristiques le vantent et ils ont bien raison : le voyage en train d’Ajaccio à Corte est vraiment à faire. Le Trinichellu (petit train) se faufile entres des gorges étroites, traverse des sentiers perdus et gravit (lentement) des pentes vertigineuses. Il nous fait surtout découvrir des paysages à couper le souffle (tel le Pont de Vecchio construit par Gustave Eiffel) , accessible uniquement aux randonneurs et donc aux heureux occupants du petit train.
Occupant une position centrale dans l’île, Corte est la capitale historique et culturelle de la Corse. La « cité paoline » fut en effet choisie par Pascal Paoli comme capitale de la Corse indépendante (entre 1755 et 1769) Sa citadelle abrite depuis 1997 le musée de la Corse.
Ville la plus méridionale de l’île, Bonifacio reste un lieu incontournable, malgré la foule et les échoppes de souvenirs qui colonisent désormais ses ruelles. Enfermée dans ses fortifications, la vieille ville, juchée sur un étroit et haut promontoire de calcaire modelé par la mer et le vent, domine une ria longue de 1 500 m au fond de laquelle le port offre aujourd’hui son mouillage aux bateaux de plaisance. Nous y passerons une nuit après avoir vainement tenté de mouiller dans l’anse di a Catena. Vainement parce que les pendilles en place ne sont en fait pas toutes rattachées à la chaîne mère… résultat des courses une bonne montrée d’adrénaline, Azadi quasiment au sec au fond de la calanque et une leçon pour les amarrages futurs.
La sortie de Bonifacio se fera par un vent de 25 nœuds établis qui faiblira en fin de parcours. Une belle houle nous accompagnera néanmoins jusqu’à Ajaccio. Céline appréciera beaucoup, Antoine un peu moins.
Les deux moussaillons débarqués, nous reprendrons le petit train pour rendre une visite à notre camarade Paul-Marie en son auberge de Vizzavona. (voir ici)
Un site exceptionnel qui donnerait (presque) envie de se mettre à la randonnée, de la cuisine corse (et sa charcuterie, hummmmmm) pour un déjeuner au soleil suivi d’une promenade digestive dans les bois environnants …. un très très bon moment. Lorsqu’Azadi nous ramènera en Corse, sûr que nous y retournerons.
Après ces bon moments passés en compagnie de Paul-Marie, nous reprendrons notre chemin qui nous amènera au port de Propriano d’où un bus nous conduira à Sartène . Puis ce sera une nuit au mouillage dans l’anse de Rocca Pina, très impressionnante avant de conclure notre périple corse par un mouillage somptueux dans la baie de Sant’Amanza.
Ensuite, cap à l’est pour rallier les côtes italiennes… mais ceci est une autre histoire.
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