Azadi au mouillage, île d’Yeu – été 2014

 

Azadi au mouillage, baie d’Emporios (Kalymnos) – juin 2019

  Azadi est mon sésame pour réaliser un de mes rêves les plus chers et les plus anciens : naviguer sur mon bateau et parcourir le monde au gré des vents et de mes envies.

Bien avant de posséder un bateau j’en connaissais le nom, découvert au hasard de mes lectures.

Azadi ( آزادی‎ ) est un mot persan signifiant liberté. Utilisé dans d’autres langues et dialectes tels que le pachto, le Kurde ou encore l’hindi, l’Urdu et le Cachemirien. Au Cachemire d’ailleurs, les activistes en lutte pour leur droit à l’autodétermination utilisaient ce terme qui signifiait pour eux tout à la fois Révolution, Libération et Liberté.

Azadi est donc un Feeling 1090 de 1988 que je suis allé chercher au sud de l’Espagne en août 2012.

Pourquoi un Feeling 1090 ? Lors de la route du Rhum 1998, un concurrent, (Franck Levillain, lire ici), fera le pari de rallier Pointe à Pitre en course à bord d’un voilier de série, le Feeling 1090. Certes, ce bateau sera mis en configuration course mais ne sera pas fondamentalement différent de celui que le chantier Kirié proposait aux plaisanciers de l’époque. Rappelons que cette course est une transatlantique qui relie Saint Malo à Pointe à Pitre. Si le soleil accueille généralement les concurrents en Guadeloupe, le départ mi-novembre se fait souvent sous un ciel gris ! Que le bateau ait rallié l’arrivée, même légèrement hors délai, est la démonstration éblouissante de ses qualités marines.

Cela m’avait interpellé et puisque je souhaitais un voilier d’une dizaine de mètres  –  une longueur que je pensais raisonnable en regard de mon expérience quand bien même mon banquier la trouvait quant à lui bien trop grande … – le 1090 faisait évidemment partie de ma sélection.

En 2011, les aléas de la vie m’offraient un choix : racheter une petite maison sur Poitiers, où je travaillais, ou bien me faire plaisir et acheter un voilier. Je tranchais assez rapidement, louais une maison sur Buxerolles et entamais mes recherches. Ma première visite, à Marseille, était pour un Espace 1100, très propre. Pour la petite histoire, son propriétaire ne l’avait acheté qu’à seule fin de récupérer la place de port pour son bateau à moteur. Malgré son état impeccable, je ne l’avais pas retenu, me concentrant assez rapidement sur le Feeling. Je recherchai à priori un 10.90, lest long pour ses qualités nautiques et version deux cabines pour son habitabilité. Je contacterai plusieurs vendeurs et recevrai de jolis dossiers. J’irai en voir plusieurs à Arcachon ou encore à Port-la-Nouvelle. Plusieurs étaient à vendre à l’étranger, en Norvège, en Angleterre et même en Argentine (à un très bon prix…)

J’avais aussi repéré sur Internet un 10,90 visible à la frontière sud Espagne-Portugal.

Un site regroupant les propriétaires de ces bateaux ( clubfeeling) permet, grâce à sa richesse, de connaitre le bateau avant même de monter à bord.  Ce site montre les qualités du bateau ainsi que tout ce que les propriétaires font pour les entretenir et les améliorer.

Mes recherches aboutirent un an plus tard par l’achat de celui qui s’appelait alors « Soleil d’Orient » et qui rôtissait tranquillement sur un chantier au sud du Portugal, à Vila Réal de San Antonio. Je le suivais donc depuis presque un an sur un site de vente de bateaux mais il présentait le double défaut d’être affiché à un prix élevé et d’être éloigné puisque visible à la frontière sud Espagne/Portugal. Le prix commencera à baisser lorsque le propriétaire en confiera la vente à un broker français installé à Séville, Didier Lemarchand. Passant par étapes de 55.000 à 39.000, il devenait de ce fait intéressant. Hormis le rouf panoramique qui n’était pas pour moi un critère bloquant, il présentait toutes les caractéristiques que je recherchais.

C’est ainsi qu’après de longues communications téléphoniques et de nombreux échanges de photos avec le broker, je me retrouvais un beau weekend de juin à Séville. Il s’agit donc d’un 10.90 de 1988, rouf en sifflet, lest long (Tirant d’eau de 1,80 m) et en version 2 cabines et homologué en première catégorie (Youpiiiii, à nous le tour du Monde !!!)

Le chantier Kirié, installé aux Sables d’Olonne a produit plusieurs versions de ce bateau, de 1987 à 1995, livrant au total 320 bateaux sur cette période. Pour les amateurs de chiffres, il mesure donc 11,10 pour un maître bau (la plus grande largeur) de 3,60 m, un tirant d’eau de 1,80 mètres, jaugeant 11,41 tonneaux pour un poids d’environ 5 tonnes à vide. Le tonneau, unité internationale de jauge maritime utilisée pour mesurer les capacités intérieures d’un navire, doit son nom aux tonneaux en bois qui servaient jadis à stocker les marchandises et vaut 100 pieds cubes ( 2,831 mètres cubes), soit pour Azadi un volume intérieur de 32,3 mètres cubes….. S’agissant d’un voilier et non d’un cargo, ce dernier élément n’est pas du plus grand intérêt, je vous l’accorde. Il a le mérite de parfaire notre culture nautique !

Le chantier a donc produit le 1040 puis le 1090 en rallongeant légèrement la jupe arrière. Ces versions disposaient au choix d’un lest court (fonte, TE 1,40) où long (plomb, TE 1,80) et de 2 ou 3 cabines. Le 1090 sera également disponible quant à lui avec un rouf en sifflet ou panoramique. Le mat du 1090 sera aussi un peu plus long que celui du 1040 et les aménagements de base améliorés.

Propriété d’un retraité français, ce bateau acheté en  juillet 1988 n’avait connu que deux propriétaires, le premier ne le gardant que deux ans. Il a ensuite bien bourlingué avec le second, en Méditerranée d’abord puis en effectuant un tour de l’Atlantique durant 7 années qui se terminera à Vila-Réal-de-San-Antonio (Portugal). Selon son propriétaire, le bateau aurait été sorti de l’eau fin 2009 pour subir un entretien conséquent dont un traitement anti-osmose. Il ne le remettra jamais à l’eau.

Son propriétaire s’en servait à l’occasion de bureau lorsqu’il était encore en activité, comme en témoignait le radio-téléphone du bord. Certains équipements dataient sérieusement que je remplacerais assez rapidement. L’annexe, complètement brûlée par le soleil sera remplacée avant notre retour. Malheureusement, il n’y en avait qu’une de disponible chez le ship d’Ayamonte, de piètre qualité, le pendant espagnol de Via Real de San Antonio.

L’achat.

Jeudi 28 juin 2012, 21h45, Plaza de la Encarnation, Séville.

Alors que nous savourons quelques tapas arrosés d’un grand verre de Tinto de Verano, cette boisson légère et rafraîchissante que Didier Lemarchand nous a conseillé, le portable vibre. Le message, espéré bien sûr, arrive plus tôt que prévu. « Le client est ok pour 31.000 euros. Didier Lemarchand »

Il me faut un moment pour digérer ce que signifie réellement ce message.

La suite est un mélange de joie teintée de petites pointes d’appréhension. Je préviens rapidement mes enfants Yannis, Soizic et Marie, mes parents peut-être – je n’en suis plus très sur- et mon oncle. Il est pourtant 23h00 quand je l’appelle mais je n’hésite pas. Ma tante Nicole me réponds, (non, je ne l’ai pas réveillé)  à qui j’annonce  « Ça y est », qu’elle traduit aussitôt à mon oncle Jeannot par « c’est Christian, il a acheté son bateau ! ». Génial. Je suis super heureux comme un gamin à qui l’on offre un jouet dont il rêve depuis longtemps.

Je partage ma joie avec Brigitte qui m’accompagne durant ce weekend un peu fou à Séville. Nous profiterons d’autant plus de la ville et de cette escapade maintenant que le but de ce voyage est atteint.

J’ai bien hésité avant de prendre la décision de venir voir ce bateau que je suis sur les petites annonces depuis bientôt un an. Éloigné, affiché à plus de 50.000 euros, il n’était pas intéressant. Le temps aidant, son propriétaire reverra son prix à la baisse pour finalement l’afficher à 39.000 Euros. Il devenait intéressant de le visiter. La suite, vous la connaissez.

En attendant, Brigitte est le témoin privilégié, unique, heureuse pour moi et avec moi, de ce vrai moment de plaisir et de folie. La suite sera du même tonneau. Nous avons d’abord savouré Séville ou nous étions logés comme des princes dans un petit hôtel niché au bout d’une allée verdoyante et joliment fleurie. Nous avons flâné au gré de ses rues piétonnes, ses bars à tapas, visité sa cathédrale, dominé la ville depuis la Giralda, admiré l’Alcazar ou nous avons croisé de bien sympathiques mariés, arpenté les jardins et la si belle Place d’Espagne.

Puis ce fut le retour sur Poitiers et le début d’une période un peu folle.

Il était convenu avec Didier Lemarchand qu’il devait s’assurer de la bonne marche du moteur, condition sine qua non de la vente. Il y avait aussi quelques travaux d’urgence à entreprendre avant le convoyage vers la France, remplacement des drisses et écoutes, installation d’un traceur GPS (Garmin 720S), etc etc etc.

J’avais prévu quant à moi de rester 4 ou 5 jours sur place avant d’entamer le convoyage vers la France. Ce convoyage, c’est avec mon fils Yannis et l’un de mes frères,Norbert, que j’allais l’effectuer. L’un, novice, et le second qui a toujours eu quelques difficultés du coté de l’estomac quand il est en mer. Ainsi tout au long du mois de juillet, je me suis partagé entre le boulot et le bateau, forcément prioritaire.

Le volet espagnol avec de nombreux échanges téléphoniques et par mail avec Didier Lemarchand, bien sûr, qui m’informait de l’avancée des travaux, de ce qu’il découvrait parfois et des choix qu’il me proposait pour les inévitables matériels à remplacer.

Et en  France, pas le temps de chômer avec l’achat des documents et du matériel que je pensai indispensables : Guides divers, cartes, radio, VHF portable, 3 gilets de sauvetage, deux longes de sécurité, veste de mer pour Yannis, etc …

J’en oublie mais ce que je me souviens parfaitement, ce sont les 90 kilos de bagages qu’il a fallu se traîner à l’aéroport, y compris celui que j’avais oublié d’enregistrer qui m’a coûté fort cher, de même que les billets que je n’avais pas imprimé…merci Ryan-Air. À 60 euros le ticket, c’est vraiment ce qu’on appelle payer pour voir…m’y reprendront plus. Ryan-Air ce n’est pas cher à condition de ne rien oublier et dans l’affolement des derniers jours j’ai merdu !!!!!

Lundi 13 août, nous décollons, Yannis (mon fils), Norbert (mon frère) et moi, de l’aéroport international de Beauvais, direction Faro. Marie (ma fille ainée)nous y a conduit depuis Buxerolles où elle était venue passer le WE. Merci à elle, les 90 kilos de bagages que nous emportons auraient pesé dans le train. Bien évidemment, l’avion a décollé avec retard et le loueur de voiture a dû nous attendre après minuit – nouveau supplément ! Enfin, à 02h30 le 14 août nous posons nos sacs à bord et à 02h35 tout le monde dormait.

La suite est une autre histoire…